Très, très impressionné par celui-là. Encore une fois AK conçoit une oeuvre destinée à rester : la rencontre avec la sorcière (croyait que c'était un mec moi), révélée par cette incroyable lumière spectrale, psalmodiant sa chanson du ton le plus triste qui soit, c'est à tomber. On ne sait jamais très bien si elle est l'initiatrice de la tragédie à venir, ou si elle en a seulement la prescience. Il faut voir Toshiro Mifune, tout en grands gestes et froncement de sourcils, (il est mignon avec son mille-pattes dans le dos), son jeu a quelque chose de la marionnette, du pantin dont on tire les fils (sa femme ? la sorcière ?). On est pas près d'oublier non plus la façon flippante qu'a sa femme de se déplacer, tout en immobilité, son visage comme un masque, sublimement joué par Isuzu Yamada. Les précédents films d'AK n'étaient pas drôles, mais il y avait toujours un gars qui essayait de faire de son mieux, de continuer d'y croire. Personne pour y croire encore ici, on est dans le coté obscur du maître, et c'est une de ses plus grande oeuvre. La musique est glaçante, la photo construit des à-plat, supprime les volumes (tout est gris, pris dans le brouillard) dans des plans souvent symétriques, de face, les décors sont dépouillés. Tout ceci participe d'une esthétique trouvant sa source dans le théâtre japonais (et tu peux me croire, j'y connais rien), c'est flagrant dans les scènes d'intérieurs comme celle du couple dans la salle à la tâche de sang (brrr) ou celle du banquet (pô très festif). D'ailleurs on n'assiste jamais aux batailles, seulement à leurs rapports. C'est d'une beauté sinistre, extrêmement maîtrisé (sans que ce soit gênant, AK ne se regarde pas filmer), puissant, fait du fracas des armes d'hommes dévorés par leurs ambitions, et de la rêverie triste et morbide des spectres de l'au-delà. Bon, à part ça, j'ai toujours rêve que ce soit Akira Kurosawa qui filme l'adaptation du seigneur des anneaux, ça aurait eu de la gueule. (vu en 2020)